Ce n’est pas le sujet
le plus joyeux dont nous allons parler sur le
site, mais il est très présent dans
le manga comme dans la société japonaise.
Je trouvais donc important d’en parler.
Et attention, je ne fais en aucun cas l’apologie
de ce geste.
Si vous vous souvenez bien Takuto,
Meroko et Izumi ont tenté ou
mis fin à leur jour, comme les autres
shinigamis. Pour nos trois héros, ce
geste était le seul moyen apparent d’échapper
à la douleur qu’ils ressentaient.
Takuto avait perdu sa voix et son mentor, Meroko
a cru être trahie par sa meilleure amie
et l’homme qu’elle aimait, et Izumi
ne sentait plus l’amour de sa mère.
Ce sont des suicides romancés, qui sont
liés à l’amour.
Quant est-il dans la vraie vie, dans celle
des Japonais ? Il semblerait qu’ils n’aient
pas la même vision que nous de cet acte.
En effet, pour les religions qui règnent
sur nos terres, le suicide a toujours été
condamné. On ne peut pas reprendre la
vie que Dieu nous a donnée. C’est
un péché. Mettre fin à
ces jours était un déshonneur,
et vous interdisez les derniers sacrements.
De part cette vision, les sociétés
judéo-chrétiennes sont très
différentes de celle de nos amis nippons.
La société japonaise s’est
toujours montrée assez tolérante
à l’égard des suicides rituels
(Seppuku pour les hommes et Jigai
pour les femmes) comme du double suicide amoureux
(Shinjû).
Au Japon, on estimait, en 1984, a 3,3 % du
total des décès, le nombre de
suicides, soit une moyenne de 20,4 suicides
pour cent mille habitants. Ce taux était
déjà assez important, mais dans
les années 2000, il augmenta encore plus.
En l’an 2008, le nombre de personne ayant
mis fin à leurs jours passa des 20,4
à 26 pour cent mille habitants, soit
environ 33 000 suicides. Le Japon se plaça
parmi les pays développés avec
le plus fort taux de suicides (8ème place),
mais reste cependant loin derrière les
pays de l’est.
L’augmentation des chiffres montre d’ailleurs
un changement de causes vis à vis de
ces suicides. Les maladies restent la principale
cause de suicides (les personnes âgées
préférant mettre fin à
leur vie, plutôt que de continuer à
souffrir), mais les crises économiques
augmentent aussi ce phénomène.
Comme aux temps des Samouraïs, la honte
reste ainsi l’une des principales causes
de suicides. La honte d’avoir échoué,
d’avoir déshonoré son nom,
de ne pas avoir tenu ses engagements, de ne
pas être à la hauteur de ce qu’on
attend de vous. Le Japon se retrouve donc comme
une société de la honte (Haji)
alors que nous, occidentaux vivons dans une
société du péché
(Tsumi). Le regard de l’autre au Japon
est l’un des pires fléaux de la
société nippone. Le suicide en
ressort comme la seule issue honorable pour
faire face à ce déshonneur. Mettre
fin à ses jours, revient donc à
retrouver son honneur, à se laver de
sa honte.
On retrouve aussi des cas de suicides liés
à une passion extrême. Comme je
vous en avais parlé dans le dossier sur
les Idoles au Japon, il arrive que des fans
décident de mettre fin à leur
jours après la mort d’une de leurs
idoles (qu’elle se soit elle-même
suicidée ou qu’elle soit morte
de mort naturelle). Deux exemples tristement
célèbres : le suicide de Okada
Yukikio et celle de Hide,
guitarsite de X-Japan qui entraînèrent
la mort de dizaines de fans.
Il ne faut cependant pas faire d’amalgame
trop rapide. Le suicide au Japon n’est
ni dû à une culture spécifique,
ni au stress, ni aux conditions de travail (écoles
comme entreprises). Le Japon n’est pas
le pays du suicide et n’en fait pas l’hégémonie
non plus. Le suicide est propre aux sociétés
humaines quelque qu’elles soient et de
tous les temps. Ce n’est pas un phénomène
culturel et encore moins un phénomène
de mode !
De plus, il faut noter que le taux de suicide
est en baisse depuis quelques années
au Japon. Le gouvernement japonais fait d’ailleurs
son possible pour diminuer ce taux. Une politique
de santé a en effet vu le jour en 1978
et ne cesse de chercher comment éviter
que les japonais ne passent à l’acte.
Un budget spécial a d’ailleurs
été mis en place, ainsi qu’un
système de suivi pour les personnes ayant
tenté de mettre fin à leur jour,
tout comme des opérations de soutien
(discussion en ligne ou téléphonique).